Depuis 2012, Présences d'Esprits organise un match d'écriture chaque année
lors des Imaginales. Cette année, avec Anaïs La Porte et Guillaume Fourtaux,
deux collègues auteurs, nous avions décidé de nous lancer dans cette aventure.
Les textes de l'équipe gagnante sont publiés dans AOC.
Qu'est-ce qu'un match d'écriture ?
En un temps limité, il s'agit d'écrire une nouvelle sur un des thèmes
proposés.
Ici, le match regroupait six équipes de trois auteurs. Trois thèmes ont été tirés
au sort au début du match, avec charge aux membres de chaque équipe de se les
répartir.
Cette mission accomplie, nous avions huit minutes de réflexion pendant
lesquelles il nous était interdit d'écrire. Ensuite, nous disposions d'une base
de 1h37 pour rédiger, relire et au besoin, corriger nos récits.
Celles et ceux qui trouvaient ce temps trop court pouvaient choisir des
contraintes, qui leur accordaient 15 minutes supplémentaires. On ne pouvait en
prendre que deux au maximum.
Les équipes
La particularité du match des Imaginales est d'opposer des équipes de
"Pros", c'est-à-dire des auteurs édités et invités par le festival, à
des équipes "Amateurs", à savoir des auteurs non édités, ou pas
invités par le festival. Il y avait en tout quatre équipes d'amateurs contre
deux équipes de pros.
Pour notre équipe, puisque Guillaume a déjà un roman à son actif, c'était
limite. Mais l'organisatrice a accepté de nous inscrire, dans la mesure où
Anaïs et moi sommes d'authentiques amateurs.
Nous avions donc face à nous une première équipe pro composée de Cindy Van
Wilder (lauréate du prix Jeunesse de cette année), Anne Rossi et Thomas Geha.
L'autre équipe pro voyait figurer Jeanne-A Debats, Sylvie Lainé et
Jean-Claude Dunyach.
Autant vous dire que nous n'en menions pas large devant à un tel panel.
Pour tout arranger, ni Anaïs ni moi n'avions jamais écrit de nouvelle aussi
courte dans un temps aussi limité au moment de notre inscription. Opération
kamikaze ? Oui, sans l'ombre d'un doute ;)
Entraînement
S'agissant d'un match par équipe, où pour déterminer les gagnants on fait la
moyenne des notes obtenues par chacun des membres, je voulais à tout prix
éviter de faire chuter mes partenaires.
Pendant plusieurs semaines, alors que j'hésitais à m'inscrire, je n'ai pas
cessé de me demander si je serais capable d'écrire une nouvelle en 1h45 (car
oui, j'avais mal compris le règlement : je pensais qu'on avait 8 minutes de
réflexion suivies de 1h45 de rédaction). Jusqu'alors, ma nouvelle la plus
courte tenait en 24000 signes espaces comprises (ça fait environ 8 pages A4,
interligne simple en TNR 12.) Je savais qu'il me serait impossible d'écrire
autant de pages en si peu de temps.
Je me souvenais d'un appel à textes, intitulé Mondes Virtuels, Mondes réels,
sur lequel je m'étais échiné pendant plusieurs jours à écrire une histoire.
Pour cet AT, il ne fallait pas dépasser 25K SEC. Ma seule intro en faisait déjà
10K, ce qui m'avait contraint à abandonner mon projet.
Lorsque je nous ai inscrit tous les trois, j'ai pris conscience qu'il
fallait vraiment que je m'exerce. L'organisatrice m'avait gentiment envoyé les
thèmes des années précédentes.
J'ai fait un premier essai un matin entre 8h15 et 10h, à un moment où mon
esprit flotte encore dans les brumes non dissipées du sommeil. La bonne
surprise, c'est que j'ai réussi à créer une nouvelle digne de ce nom, avec donc
un début et une fin, dans les temps impartis. J'avais même une petite marge de
20 minutes pour me relire et corriger quelques coquilles.
La mauvaise surprise, c'est que ce texte était mal calibré, déséquilibré
entre une introduction trop longue, un ventre mou au milieu et une fin trop peu
développée. En clair, je ne pouvais pas espérer gagner avec ça !
Mais je ne suis pas du genre à renoncer !
Dès le lendemain, fort de cette
première tentative qui n'était pas un échec complet, je remettais ça. Cette
fois, le texte était nettement plus convaincant. Riche, agréable à lire,
original, mais avec toujours un ventre mou fait d'explications beaucoup trop
"tell". Le thème que j'avais à travailler pour cet entraînement
s'accordait très bien avec l'AT Mondes virtuels, Mondes réels. J'ai donc décidé
de conserver cette nouvelle, née en un temps très court, pour la retravailler
et l'envoyer. (j'en reparlerai dans un article sur Mondes virtuels, monde réel).
Je me sentais mieux presque prêt. J'ai attendu la veille du concours pour me
livrer à un troisième et dernier essai, relativement convaincant lui aussi, qui
a achevé de me mettre en confiance.
Le match
Anaïs, Guillaume et moi sommes assez complémentaires. Guillaume est un
Architecte, de ceux qui bâtissent leur histoire patiemment, pierre après pierre
jusqu'à obtenir un tout bien carré. Il est adepte de fantasy et de SF. Anaïs
préfère les histoires plus longues, elle aime construire patiemment ses
personnages, leur donner vie ligne après ligne, et préfère la fantasy et la
fantasy jeunesse. Quant à moi, ma foi je suis bien incapable de dire comment je
fonctionne au juste ! Ce que je sais c'est que Mme Muse est une machine de
combat. Je lui lance un thème comme on lance une patate chaude, elle l'attrape
au vol, la décortique, l'épluche à la volée, trouve je ne sais où de l'huile
bouillante, et en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, elle me fait une
assiette de frites ! En terme de genre, j'ai toujours un penchant pour le
fantastique, l'anticipation et la fantasy.
Ainsi, la répartition des thèmes proposés a été un jeu d'enfant !
Guillaume s'est approprié : "une greffe, nouveau membre... Aïe, il y a
un bug".
Anaïs s'est sentie à l'aise sur : "Ma voix est mon arme, mon sang ma
défense."
Quant à moi, j'ai pu naviguer sur : "Je meurs toutes les 30
minutes."
Le temps a filé pendant cette épreuve. Nous n'entendions que le cliquetis
des claviers, chaque auteur était en immersion dans son microcosme qu'il
construisait pas à pas, et les minutes s'égrenaient. Je pensais surtout à ne
pas laisser ce ventre mou, qui est mon principal défaut. Je devais faire simple
pour éviter de devoir expliquer. Mes exercices m'avaient convaincu que, pour ce
match, il vaut mieux rédiger au présent, et tant qu'à faire, à la première
personne du singulier, afin de donner plus de pêche au texte. Conscient de
disposer de 8 minutes de moins que pendant mes entraînements, je n'ai pas
trainé.
Finalement, il me restait 25 minutes pour me relire, ce qui fut nettement
suffisant. Au point que, lors des cinq dernières minutes, Guillaume et moi
avons interverti nos places, afin que chacun puisse relire l'autre.
Attente et résultats
Il était 17h vendredi lorsque nous avons quitté la BMI d'Épinal, sous un
soleil de plomb pour rejoindre l'espace cours. Guillaume semblait confiant,
Anaïs un peu moins, et pour ma part, si j'étais satisfait de mon texte, je me
demandais s'il ferait le poids face aux autres.
Petit à petit, j'ai laissé de côté l'espoir de gagner. SI je pouvais déjà
m'enorgueillir d'avoir fait un texte acceptable, je pourrais m'estimer
satisfait. Au besoin, je pourrais toujours le retravailler et l'envoyer en
réponse à un AT.
Dimanche, j'étais le seul représentant de mon équipe encore présent à Épinal.
Anaïs était partie la veille au soir, et Guillaume avait pris le train pour
Lille tôt le matin.
À 13 heures, je rejoignais Audrey et Ioana à l'espace Cours, toutes deux
collègues amatrices et membres de Cocyclics. La proclamation des résultats
commença par le thème que j'avais traité.
Lorsque l'organisatrice appela mon nom pour la meilleure nouvelle de mon
thème selon les votes du public, mon coeur se mit à battre plus fort, et un
grand sourire étira mes lèvres.
Audrey eut la même surprise lorsque son nom fut appelé. Elle avait également
écrit la meilleure nouvelle de sa catégorie.
Restait à déterminer l'équipe gagnante, ce qui ne fut pas une tâche facile
pour le jury. La moyenne des notes attribuées aux textes de deux équipes était
identique. Il y avait donc égalité.
Mais il fallait une équipe gagnante. Les organisateurs ont donc mesuré
l'écart type, c'est-à-dire l'amplitude entre la meilleure et la moins bonne
note entre les trois nouvelles de chaque équipe.
Nous avons remporté la victoire parce que le jury a trouvé nos nouvelles
plus homogènes.
Cette victoire inattendue permettra à nos trois nouvelles de paraître dans
un prochain numéro d'AOC. Elles seront imprimées en l'état où nous les avons
rendues au jury, sans correction éditoriale ni retouche.
Il s'agira de ma toute première nouvelle publiée. Mais je compte faire en
sorte qu'il y en ait d'autres !
Merci à AOC et Présences d'Esprits
pour ce concours brillamment organisé et très stimulant. Je compte bien revenir l'an prochain, je l'espère avec la même équipe, et remettre ça !
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