lundi 16 mai 2016

J'ai lu : "Le jour où" de Paul Beorn.


Le marchand de sable est passé... Tous les adultes ont sombré, les uns après les autres, dans un mystérieux coma...Enfants et adolescents se retrouvent livrés à eux-mêmes. Dans une petite ville, Léo et Marie, deux lycéens de seize ans, rassemblent autour d'eux quelques amis pour vivre ensemble dans un vieil immeuble.Mais d'autres adolescents, parmi les plus âgés, profitent de la situation, s'accaparent les réserves de nourriture et deviennent de plus en plus violents. Léo et sa bande doivent apprendre à se battre pour défendre leur liberté quand d'autres voudront imposer la loi du plus fort. Parviendront-ils à survivre jusqu'au réveil des adultes ? Et si ces derniers ne se réveillaient jamais ? 

Pour lecteurs avertis, à partir de 15 ans.


Celles et ceux qui me connaissent le savent : j'aime les histoires à faire peur. Les ambiances sombres, un peu angoissantes, la grisaille épaisse que le soleil peine à transpercer. Entre autres choses, bien sûr, mais en littérature, particulièrement.
Beorn et sa plume m'avaient laissé un très bon souvenir avec "Les Derniers Parfaits" - dont vous trouverez la chronique par ici - et, lorsque j'ai lu ce pitch, je me suis dit que c'était l'occasion d'y revenir. Même s'il s'agissait, à priori, de littérature YA, qui n'est pas toujours ma tasse de thé, la mention "pour lecteurs avertis, à partir de 15 ans" m'a donné envie de plonger.

Et j'ai fichtrement bien fait !
Beorn a choisi de nous offrir deux personnages narrateurs, à la première personne, donnant à la fois deux points de vue distincts et complémentaires à son récit, tout en offrant deux façons de voir le récit. Tous deux sont bien pensés, attachants, réalistes à souhait. 
Le décor est vite planté, on a droit à une entrée In media res qui me semble être le choix le plus judicieux pour servir cette histoire. Le rythme monte progressivement, les aventures de la bande à Léo et Marie se multiplient assez vite, mais on profite des instants de calme pour faire plus ample connaissance avec ces adolescents, tous bien caractérisés, avec qui on se plaît à faire connaissance.
L'histoire en elle-même est captivante. Comptez sur moi, d'ailleurs, pour ne rien spoiler. Le seul point de départ engendre son lot de conséquences auxquelles on ne pense pas forcément de prime abord. Et pourtant, tout est d'une logique implacable, preuve que l'auteur a bien réfléchi aux tenants et aboutissants de son récit. Comme souvent chez les adolescents, les clans sont formés, certains peuvent s'entendre mais pas d'autres. 
L'ambiance est volontiers sombre, mais toujours teintée d'une lueur d'espoir. Laquelle tend, parfois, à ressembler à une illusion inaccessible. Léo, Marie et les autres révèlent leur caractère, leurs personnalités et leur courage face à des situations de plus en plus critiques. On plonge dans les profondeurs de l'histoire, avec un réel plaisir et, très vite, le roman devient addictif. Plus question de le poser ! On veut savoir la suite, on en a autant peur que besoin.
Car oui, ce roman suscite son lot de frissons. Il n'y a pas ici de clown assassin, de Pinhead ou de créatures tentaculaires, mais Beorn parvient aisément à s'en dispenser. D'ailleurs, aucune créature fantastique n'aurait eu sa place, ici. 

Le récit tout entier repose sur la base d'une dystopie bien pensée, aux conséquences plus vastes que celles qu'on s'imagine. Personnages et dialogues sont impeccables, le style est sobre, précis et sait faire preuve de vivacité pour donner de la puissance aux instants les plus critiques. On n'a guère le temps de s'ennuyer, chaque instant du récit est bien pensé, rempli et la tension monte jusqu'à d'inattendus paroxysmes. 
Je regrette juste un petit détail à la toute fin du récit, mais ne puis en parler ici pour ne pas vous révéler quoi que ce soit. D'ailleurs, peut-être que vous ne verrez pas du tout ce détail, alors je ne vais pas vous embêter avec ça. Dans tous les cas, cela n'a pas gâché ma lecture, qui fût rapide et particulièrement agréable.



Beorn réussit à nous offrir un récit YA prenant, plaisant, vivant et inquiétant. Ne vous fiez pas à la collection Castelmore, qui n'est pas vraiment spécialiste des récits sombres. Prenez bien en compte, en revanche, l'avertissement "Public averti de plus de 15 ans" car il n'est pas excessif. Et si vous avez très nettement plus de 15 ans, ne vous arrêtez pas pour autant. Si vous aimez les dystopies bien écrites, réfléchies et les ambiances tendues, vous allez adorer "Le jour où". 
Hâte de voir Paul Beorn se frotter à nouveau à ce genre d'exercice ! 

Si vous voulez voir cet excellent auteur et découvrir ses œuvres, il sera aux Imaginales, à Épinal, d'ici une petite dizaine de jours. L'occasion de faire le plein d'excellents romans ;)