mercredi 25 juin 2014

Essence d'asphalte

La rédaction d'Essence d'Asphalte est maintenant terminée. Un peu plus de 332 K SEC au compteur pour le moment, mais les corrections auxquelles je vais procéder vont faire évoluer ce chiffre.

Présentation :

Titre du roman : Essence d’Asphalte

Genre / Sous-genre : Fantastique metallico-sentimental (mais pas chick lit… Enfin, normalement !)

A lire si vous aimez :
• Les rockeurs / Metalleux
• L’irruption du fantastique dans un quotidien déjà bien animé
• Passer par toute la gamme des sentiments humains 

Vous n'y trouverez pas :
• De monstres lovecraftiens.
• D’ados hystériques dans une salle de concert surchauffée.
• De romance sirupeuse saupoudrée de trois tonnes de guimauve.


Public visé : Adulte (voire YA si les YA arrivent à s’identifier à des personnages d’une trentaine d’années, mais ils ne sont pas ma cible.)

Nombre de signes prévus : 400 K SEC si tout va bien.

Résumé du début :  
Après avoir quitté son groupe à cause de problèmes de drogues, Jeff Vandam rentre chez lui. Incapable de se calmer, il prend sa voiture et roule à tombeau ouvert dans les rues désertes de Lille. Soudain, les images d’un accident se projettent devant son regard. L’instant d’après, la rue redevient calme et déserte. Seule reste une tache sombre sur le bitume. Il comprend que les images qu’il a vues ne sont pas des illusions, cet accident a eu lieu, et il en connait la victime.
Commence pour lui une épopée étrange, qui l'éloigne de plus en plus de la musique et le rapproche de son passé. Au milieu des visions qui se multiplient, son passé resurgit. Pour le meilleur ou pour le pire ?





Je vous informerai régulièrement de mon avancement, et je vous proposerai des extraits. N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez, ou me poser des questions si vous souhaitez en savoir plus (je me réserve quand même la possibilité de répondre que "ce sera dans le roman", je ne vais pas tout dévoiler ici :))

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21/08/2014 :
Le moment est venu de vous divulguer le dernier extrait d'Essence d'Asphalte.
Bien sûr, il ne vous permettra pas de connaître la fin de l'histoire ! (Hey ! What did you expect ? )

Je profite de ce dernier ajout pour remercier toutes les personnes qui m'ont suivi pendant ce challenge, qui ont lu les extraits que j'ai pu poster ici ou sur Cocyclics. Votre soutien a aidé précieux et m'a aidé à avancer plus vite et mieux. 
Rassurez-vous, l'aventure de ce roman est bien loin d'être finie, je dirais même qu'elle ne fait que commencer ;) 

Allez, trève de bavardages, vous n'êtes sans doute pas venus ici pour ça !

Contexte :

Delphine a eu de la chance, la balle n'a fait qu'effleurer son crâne. C'est assez pour l'avoir faite saigner abondamment, et l'avoir assommée. Sa blessure n'est que superficielle, ne nécessite pas de suture et elle peut rentrer avec Béa.
L'adolescente raconte à sa mère comment elle a vécu le tir. (scène du point de vue de Delphine)


Extrait :

Aurélie et Delphine scrutaient avec avidité les textes des nouvelles chansons de Jeff, elles les trouvaient magnifiques. Delphine avait trouvé ces brouillons, écrits de sa main, dans la housse de son ordinateur portable. Il y avait griffonné des indications sur le rythme, marqué des notes de musique et des noms d'accord. Leur prof de français avait du les libérer une demi-heure plus tôt, les deux filles n'avaient qu'une seule envie : essayer de jouer ces musiques que Jeff, leur idole, avait composées. Delphine était convaincue que Jeff avait dû les jouer ou les fredonner au moins une fois en sa présence. Le week-end, à Bondues, elle l'écoutait quand il travaillait. Même chez elle à Lille, en dépit du casque qu'il portait, Delphine pouvait entendre les mélodies.
— Je demande à ma mère de venir chez toi ? demanda Delphine.
Absorbée par sa lecture, Aurélie se contenta de hocher la tête. Delphine sortit son mobile de sa veste, pour envoyer un SMS. Elles n'étaient qu'à deux pas de la sortie du collège, la foule de parents et d'élèves se bousculait, Delphine leva alors les yeux pour les guider toutes deux vers un pan de trottoir moins animé. Elle envoya rapidement se message, gardant son mobile en main pour le sentir vibrer quand Béa lui répondrait.
Soudain, ses pieds se trouvèrent noyés dans une brume colorée, mélange de violet, de bleu et de rose. Les volutes montèrent jusque devant ses yeux incrédules. Un long frisson la parcourut. Des serpentins de couleurs, translucides, se mirent à virevolter vers le trottoir, en direction du pub. Elle ne quittait pas le spectacle des yeux, entre effroi et fascination, incapable de réagir. En un éclair, la brume se changea en une sphère noire et opaque.
Une tête inhumaine en jaillit. Son regard était exorbité, hanté par des éclairs rouges. Le monstre avait des dents acérées, comme celles d'une scie. Puis, ce faciès terrifiant se fondit à un homme dans la foule. Il portait des lunettes noires et une casquette blanche. Quand elle le vit, l'homme ouvrait son blouson et en sortait un objet. Dans un réflexe d'effroi, Delphine se retourna sur Aurélie et voulut la prendre pas le dos. Sa main ne parvient à saisir que son épaule. Quand elle voulut se coucher à terre avec son amie contre elle, elle entendit une explosion, comme un pétard. Elle crut alors recevoir un gros coup sur la tête et perdit connaissance.
Alors qu'elle raconte sa vision à sa mère, celle-ci semble livide et décomposée. Ses yeux rougissent comme si elle allait se mettre à pleurer. Mais son histoire n'est pas encore finie, le plus important reste à venir.
— Maman, quand on est rentrées, j'ai vu autre chose, poursuit-elle.
— Des traits de lumière, répond Béa d'une voix atone.
— Comment tu le sais ?
Béa ne lui répond pas, des larmes naissent au coin de ses yeux.
— Maman, Y'a Jeff qui poursuit le tireur ! glapit-elle soudain. Faut faire quelque chose !

 
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19/08/2014 :
La rédaction d'Essence d'Asphalte est terminée depuis ce week-end, j'entame à présent une première phase de correction. Mais je ne voulais pas vous laisser sans mettre quelques extraits de la cinquième et dernière partie du récit, pour vous permettre de savourer les derniers instants avec Jeff, Béa, Cora et les autres.
Je vous en ai donc sélectionné trois, mais je ne vous en livrerai que deux ce soir.


Contexte :


Nous sommes en Février 2015. Jeff a composé un album solo sur lequel il travaille avec Séb. Les sessions d'arrangement ont débuté, Séb et Jeff bossent trois à quatre jours par semaine pendant 10 heures chaque jour pour avancer le plus vite possible. 

En rentrant d'une séance, Jeff voit les traits de lumière de l'Essence d'Asphalte, qui lui indiquent que le tueur de Karl serait à Lille. Incrédule, effrayé, il décide de ne rien faire. Après le week-end de la St Valentin, il découvre sur son mobile un message vocal de Wolkowiak qui l'informe que le tueur a réussi à s'enfuir pendant un transfert, en tuant ses deux gardiens et en volant son dossier. Il comprend alors qu'il aurait du suivre la trace. Furieux contre lui-même, il sort et glisse sur les trottoirs enneigés de Lille. Une main le rattrape : Wolkowiak. Il lui donne des consignes pour pouvoir le joindre discrètement, le flic n'est pas sensé s'approcher de Jeff. Le temps d'acheter un mobile prépayé, il rentre chez Béa et appelle l'inspecteur pour en savoir plus.  
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Extrait :



(...)

— Ça fait combien de temps qu'il s'est enfui ? relance Jeff, les poings serrés.
— Il s'est tiré Jeudi, répond la voix grave de l'inspecteur. 
— Et vous m'avez appelé samedi, donc deux jours après.
— Pas pu faire mieux, répond-il d'un ton laconique.
— Va falloir m'expliquer, inspecteur. Un tueur dangereux se tire en abattant ses gardiens, on soupçonne qu'il puisse venir me tuer, et on met deux jours à me prévenir ?
— Vous ne connaissez pas les gens de chez nous, mon vieux. Parfois quand on prévient les cibles potentielles, les gens s'agitent, ils paniquent et ils font n'importe quoi. Ça nous complique la tâche. En plus, Le Quellec est convaincu que le bonhomme est parti loin, très loin de Lille. Le gars vient de Paris, il n'a presque pas de contact ici.
La voix de Wolkowiak exprime sa nervosité, il est tendu comme une corde de piano. 
— Et vous, qu'est-ce que vous en pensez ?
Un silence se prolonge. Jeff regarde par la fenêtre, la neige a cessé de tomber. Où peut-il être, maintenant ?
— C'est un barjot, ce type-là. Largement assez dingue pour venir vous faire la peau à vous et à la petite avant de se carapater ailleurs. Ça faisait des années qu'on courait après pour différentes affaires. D'habitude, il est discret, il efface ses traces en douceur, il s'arrange pour qu'il n'y ait pas de témoin. Mais on a su qu'il s'est battu avec son frère, il a pris un autre partenaire. Le frangin, c'était le cerveau. Lui, c'est les muscles. Et son remplaçant n'est qu'un petit jeunot, incapable de maîtriser ce cinglé. Mais ça, Le Quellec pense que c'est très secondaire.
Jeff déglutit en silence. Aurait-il raison de chercher ce malade seul, avec l'aide de l'Essence d'Asphalte ?
— Et cette histoire de complicité ?
— Ce sont mes gars qu'on soupçonne. Ils ont déconné, ça je l'admets. On n'agite pas le dossier d'un enfoiré pareil devant son pif, même s'il a les menottes. Mais ils ne l'ont pas aidé ! Et ils veulent le trouver, comme moi. Et comme vous, j'espère.
S'il doit lui parler de ses visions, c'est maintenant. Il ferme les yeux et prend une profonde inspiration. La voix grave et autoritaire de Wolkowiak est intimidante, Jeff n'a pas du tout la même assurance. Pourtant, il ne peut pas tout dire au flic, il n'y croira pas.
— Écoutez Wolkowiak, je sais qu'il est à Lille, articule-t-il lentement.
— Où ça ? Quand est-ce que vous l'avez vu ? rebondit-il aussitôt.
Jeff marque un silence, il n'aurait pas dû commencer comme ça.
— Je ne l'ai pas vu, mais je sais qu'il est là. Je l'ai perdu du côté de la rue Comtesse.
— Qu'est-ce que vous me chantez Vankuyk…
— Va falloir me faire confiance, parce que moi non plus je ne peux pas tout vous dire. Plus tard, mais pas maintenant. Je vais vous le trouver, mais pour ça j'ai besoin d'être seul, au calme. 
— S'il vous voit, vous serez mort avant de toucher le sol, avertit le flic d'une voix plus forte, sèche comme une détonation. 
Jeff déglutit à nouveau. Il a peur, mais il ne peut s'empêcher d'imaginer ce cinglé entrer ici, menacer Delphine et Béa, ou bien pire encore.
— Il ne me verra pas, affirme Jeff avec toute l'assurance dont il est capable.
— Pas question que je vous laisse faire ça. Je suis flic, on ne laisse pas un témoin…
— Laissez tomber, Wolkowiak. Si je lui laisse le temps de me retrouver, on ne pourra rien faire. Il va vous balancer contre une bagnole, c'est son jeu favori. Après, ce sera Aurélie, moi, ma chérie et sa fille, lâche-t-il en haussant le ton.
Il reprend son souffle bruyamment. Wolowiak ne dit rien.
— Je vais vous le localiser et je vous dirai où il est. 
— Merde, je pensais que vous aviez plus de cervelle que ça, Vankuykenborne. C'est pour ça que j'ai pris contact avec vous, mais je regrette, sincèrement !
L'instant d'après, trois bips retentissent dans l'oreille de Jeff. Il s'y est très mal pris.


Contexte :


Suite à sa discussion avec Wolkowiak, Jeff est bien décidé à suivre la piste du tueur, aidé par les lumières de l'Essence d'Asphalte. Cette nuit-là, quand Delphine et Béa se sont couchées, il s'aventure dans les rues gelées de Lille. 
L'homme qui met sa vie et celle d'Aurélie en danger se trouve quelque part après la rue Comtesse, que Jeff n'a pas franchie la première fois. Comme tout le quartier, cette rue est faite de pavés. Le verglas la rend très glissante, dangereuse. Les mots de Wolkowiak tournent dans l'esprit de Jeff, il sait que si le tueur le voit en premier, il mourra avant que son corps touche le sol. La peur et le froid le paralysent. Il tente par deux fois de gravir la légère pente que forme la rue Comtesse, mais renonce. Il pense avoir trouvé une autre idée.
Puisqu'Aurélie et lui sont ses cibles, ils doivent fuir. Cela implique d'expliquer ses visions à Béa, ce qu'il fait dès le lendemain. Pris par le temps, parce qu'il veut être présent quand Delphine sortira du collège, angoissé, il s'y prend mal et Béa se braque quand il parle de fuir seul ou avec Aurélie, les laissant seules Delphine et elle. Tandis qu'il essaye de la calmer de son mieux, Béa réalise que sa fille lui a envoyé un SMS, quinze minutes plus tôt, pour lui demander si elle peut passer chez Aurélie.
Tous deux sortent en trombe de chez Béa et courent vers le collège, situé à quelques centaines de mètres. La glace a fondu, remplacée par une pluie torrentielle. Béa passe devant lui. Quand Jeff arrive à l'angle de l'avenue Carnot, là où se trouve le collège, une nouvelle vision débute et le fige sur place, à genoux par terre.


Extrait :



Il se trouve aux abords du collège, juste devant la haute grille de métal gris qui clôture la cour de l'établissement, à une quinzaine de mètres de l'entrée. Son regard est assombri par des lunettes de soleil dont il devine les contours. Quelques parents attendent sous la pluie battante, à l'abri de leurs parapluies. Aucune goutte ne vient masquer sa vision, il comprend que le personnage dont il emprunte le regard est également à couvert. Son regard se tourne vers le bâtiment principal du collège. Les portes s'ouvrent, de jeunes collégiens, sans doute des élèves de Sixième sortent dans la cour. Certains marchent à pas lent, recroquevillés sur eux-mêmes, tandis que d'autres courent vers la sortie, leurs cartables chahuté sur leurs épaules. Les secondes passent, les gamins s'éloignent, le flot d'enfant se tarit. Puis, à nouveau les portes s'ouvrent. Des adolescents plus âgés sortent à leur tour. Son regard se tourne alors vers une photo qu'il tient dans la paume de sa main. Aurélie affiche un visage crispé, le teint pâle. Jeff reconnaît derrière elle le mur blanc sale du bureau de Wolkowiak. Il voudrait hurler sa rage mais n'entend pas même le son de sa propre voix. 
Le regard se lève à nouveau. Parmi les adolescents, il se fige sur deux jeunes filles, à l'abri d'un parapluie rose, qui se tiennent par la taille. Un nouveau coup d'œil sur la photo confirme que c'est bien Aurélie qui arrive avec une autre fille pendue à son bras. Les deux adolescentes ont le regard rivé sur des feuilles de papier, elles marchent sans regarder ou elles vont. 
Il se déplace pour s'approcher de l'entrée, Jeff voit défiler les épais barreaux de la grille. Il ne quitte pas les adolescentes des yeux. Quelque chose fait trembler sa vision et il tourne le regard vers le trottoir. Des gamins qui sortent le bousculent. Il se colle contre le métal et scrute à nouveau les filles qui s'apprêtent à sortir. Delphine dit quelque chose à Aurélie qui hoche de la tête sans quitter son papier des yeux. La fille de Béa sort son mobile de la poche de sa veste en jean délavée et active l'écran tactile. Les adolescentes passent la double porte et se retrouvent sur le trottoir. Il avance de quelques pas, tandis que Delphine attire Aurélie sur le bord du trottoir pour éviter la foule. 
Soudain, le regard de Delphine change et se fige. La bouche entrouverte, elle regarde la foule, comme si un monstre s'y terrait. Un objet noir passe dans le champ de vision de Jeff. Aurélie regarde droit vers lui, maintenant. Elle semble pousser un cri et se retourne. Le révolver se lève, la mire pointe la tête d'Aurélie. La main gantée se fige, le pouce rabat le chien. Delphine s'interpose entre sa copine et la balle qui gicle du barillet. Un nuage de poudre s'élève sans un bruit. Le sang gicle sur le dos de la veste de Delphine qui s'effondre au pied du trottoir avec Aurélie dans ses bras.
Quelque chose le bouscule violemment. Le regard descend vers le dos d'un manteau de cuir noir. On vient de lui rentrer dans la poitrine. Le tireur porte un coup de crosse sur le crâne chauve son agresseur. 
Le bruit de la pluie lui perce les oreilles en un instant, les gyrophares d'un camion de pompier s'imposent devant ses yeux. Des dizaines de personnes s'agglutinent devant l'entrée du collège Carnot. La douleur qui jaillit de son genou ne lui fait pas détourner les yeux. Il voit les pompiers, au travers des jambes des badauds, accroupis. Ils ont déployé une civière. Une voix perce le bruit de la foule. Béa crie le nom de Delphine. 
Les jambes de Jeff, comme rivetées au sol, ne lui obéissent plus. Il faudrait qu'il aille voir Delphine, mais la terreur l'en empêche. Il revoit le canon de l'arme pointé droit sur sa chevelure châtain, ce sang qui gicle sur son dos… Comment aurait-elle survécu ? Toutes ses forces quittent son corps, liquéfiées par la pluie. Jeff savait où le tueur se trouvait. Il n'a pas eu assez de courage pour remonter jusqu'à lui, alors qu'il a eu deux occasions de le faire.


La suite ? Dans quelques jours :)

11/08/2014 :
Comme promis vendredi, voici un extrait totalement inédit d'Essence d'Asphalte. C'est un chapitre entier, en l'occurrence, le chapitre 45 - j'ai choisi de faire des chapitres courts pour rythmer le récit. Il fait à peu près 7500 SEC, ce qui est environ le double de ceux que je vous propose habituellement. Ce sera un des derniers que je vous proposerai car j'espère finir le premier jet de ce roman sous dix à quinze jours.
Pour cette fois, je pense qu'une mise en contexte n'est pas nécessaire pour comprendre la scène, donc je vous la livre sans préambule, en espérant qu'elle vous plaise ;)

Extrait :


      Une nouvelle fois, la nuit est longue pour Jeff. L'enterrement du jeune Karl, dans l'après-midi, a été d'une profonde tristesse. Sa présence a été bien accueillie, sa famille savait combien le jeune homme appréciait Morningstar. Devant des dizaines de paires d'yeux, rivées sur lui, Jeff a joué "Passent les Anges" malgré la lourde émotion qui étreignait sa voix. La réverbération profonde de l'église rendait le son de sa guitare lourd, mais les parents et amis de Karl l'ont chaleureusement remercié pour son geste. Comme il l'avait promis, il s'est enregistré avec son Iphone et a envoyé le fichier à Aurélie.
     Le départ de Cora est une nouvelle épreuve qu'il doit affronter seul. Elle est son amie, celle qui le connaît mieux que lui-même. Il tient à elle autant qu'à Béa, même si les sentiments qu'il éprouve envers Cora sont différents. Elle a été là depuis le début de ses visions, mais il n'a pas trouvé les mots qui auraient pu la calmer. Qu'aurait-elle voulu entendre ? Peut-être n’aurait-il pas du lui dire qu’il avait retrouvé les bras de Béa. Il espère qu'elle se calmera vite et entendra raison.

     Malgré ses craintes de voir de nouvelles images tragiques jaillir devant ses yeux, Jeff prend le volant de sa Civic. La nuit est claire, la température tiède et agréable. Absorbé par ses pensées, il roule en direction de Lille, par habitude. Quand il franchit le panneau qui indique l’entrée de la ville, il freine d’un coup sec. Jeff n’est pas en état de supporter une nouvelle vision d’horreur. Pourtant, il a envie d’avancer encore. Ses doigts tapotent son volant. Un chat roux traverse la rue, son regard brille dans les phares au xénon de la civic. Le félin s’immobilise un instant puis poursuit da traversée d’un pas nonchalant. Il redémarre, les mains crispées sur le volant. Peut-être va-t-il enfin comprendre ce phénomène qui s’est emparé de lui depuis son retour.

     Lorsqu'il arrive à l'entrée du boulevard Carnot, Jeff hésite à aller plus loin. Cette artère faite de goudron et d'asphalte est devenue le point central de sa vie. Le lieu des pires drames comme l'endroit des visions les plus féériques. Qu'y a-t-il dans cette grande rue pour générer tous ces effluves surnaturels ? Pourquoi est-il le seul à recevoir ses visions ?

     Il tourne à droite, dans la rue des canonniers et se gare. Jusqu'à présent, il a eu toutes ses visions au volant de la Civic. S’il marche, il ne se passera rien, pense-t-il. Il ferme la portière et marche vers l'angle de la rue. Deux jeunes femmes à vélo passent devant lui en silence. Il est plus d'une heure du matin, les trottoirs sont déserts.

     D'un pas lent, il avance sur le boulevard, les yeux rivés vers le bitume. Le son mat de ses baskets accompagne le bourdonnement des lampadaires. Plus loin se tient le collège Carnot, devant lequel ses visions se sont déroulées. Jeff met ses mains dans ses poches de jean quand un frisson l'envahit. Il lui semble qu'il fait plus froid que tout à l'heure. Les petits cheveux de son cou se hérissent, puis ceux de ses tempes et les poils de ses avant-bras. Pourtant, il ne tremble pas, il n'a pas froid. Intrigué, il s'arrête, et scrute la rue autour de lui. Les réverbères éclairent la route de leur lueur orangée. Pas un piéton, pas une voiture, rien. Même l'air semble s'être figé. Tout son corps frissonne, à présent.

     Devant son regard, la lumière se transforme. L'orange devient rouge, puis violet. Partout autour de lui, une brume étincelante et colorée se forme, s'extirpe du goudron et s'élève peu à peu dans les airs. Le regard de Jeff s'absorbe dans le spectacle qui s'offre à lui, sa bouche s'entrouvre. Tout le boulevard suinte de cette essence d'asphalte. Une volute translucide, bleue, violette et rouge, serpente juste devant son visage. Immobile, Jeff admire la beauté de cette effluve et attend. Ses questions lui reviennent, il a envie de les formuler à voix haute mais quelque chose le retient.

     Le serpentin de brume lumineuse qui s'est arrêté devant lui se tortille, se roule et se déroule, captivant son attention. Il jurerait qu'il forme maintenant les deux lèvres d'une bouche entrouverte.

     — Bon sang c'est incroyable, murmure-t-il.

     Aussitôt, la brume reproduit le mouvement de ses lèvres, puis lui adresse un large sourire. Elle le comprend et lui répond.

     — Pourquoi moi ? demande-t-il alors.

     Les lèvres de brume s'animent, reproduisant sa question, puis s'écartent, comme pour exprimer leur surprise. Lentement, elles glissent sur la droite, Jeff les accompagne du regard et pivote sur lui-même. D'innombrables filins lumineux se forment et s'étirent devant lui, ils sont jaune clair, comme des rayons de soleil. Ils passent tous par le boulevard, des centaines de traits. Certains envahissent les trottoirs, d'autres la route. Quelques-uns partent et viennent de la rue des canonniers, d'autres descendent vers la gare Lille Flandre.

     Soudain, à une vingtaine de mètres devant lui, une silhouette se forme. Il la reconnaît immédiatement et ses yeux s'écarquillent. Ce jeune homme aux cheveux longs, qui porte un blouson de cuir ouvert n'est autre que lui-même, des années plus tôt. La silhouette transparente s'avance vers lui et le traverse. Puis, un autre lui-même arrive sur le même trottoir. Il a quelques années de plus et ne porte qu'un T-shirt, imprimé au logo de Morningstar. D'autres silhouettes, plus floues, marchent à ses côtés. Sans doute Séb, Max et Ludo, leur batteur des débuts. Avant que cet autre Jeff Van Dam n'arrive sur lui, le dos d'un troisième lui-même apparaît devant ses yeux. Il porte la même coupe de cheveux qu'aujourd'hui, propre et nette. C'était le jour où il est allé chez la coiffeuse, peu après sa première vision.

     Quand le Jeff des débuts de Morningstar passe à travers lui, il se retourne. Des dizaines de silhouettes de lui, issues de toutes les époques de sa vie, marchent sur les trottoirs. Plusieurs voitures qui lui ont appartenu roulent sur le boulevard. L'une d'elle, dans sa vieille Rover verte, s'arrête au feu du croisement de la rue des canonniers. La vitre avant est ouverte, à sa main gauche il tient une cigarette.

     — Parce vous me connaissez, lance-t-il sans quitter la voiture des yeux. Parce que je suis venu ici des centaines de fois, murmure-t-il alors que ses nombreux alter-égos disparaissent et redeviennent brume. Parce que je passe mon temps sur les routes.

     Sous son regard, scintillant des couleurs de l'essence d'asphalte, son propre visage apparaît. La tête translucide s'anime de haut en bas, puis lui adresse un sourire. D'innombrables questions bousculent son esprit, Jeff ne sait pas par laquelle il devrait commencer. Le visage de brume se tourne vers la droite, et Jeff l'imite. Dans le silence profond, il devine plus qu'il n'entend le ronronnement d'un moteur de voiture. Le visage se tourne à nouveau vers lui, et en un éclair se change en une main qui lui fait le signe au-revoir. Sans s'en rendre compte, il lève sa main et imite le geste. Il réalise qu'il n'aura pas le temps de demander ce qu'il voulait, déjà les volutes retournent peu à peu dans l'asphalte.

     — Merci pour Béa ! lance-t-il à voix haute alors que les dernières lueurs sont avalées par la route.

     L'instant d'après, la lumière orange des réverbères reprend ses droits. Une voiture de police passe à faible allure, dans le sens opposé à sa marche. Le conducteur le regarde fixement pendant quelques secondes, puis reprend sa route, laissant Jeff à nouveau seul.



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08/08/2014 :
J'ai repris mon rythme de croisière : environ deux mille mots par jour, cinq jours sur sept. Essence d'Asphalte avance donc bien, j'en suis à peu près aux deux tiers du roman. 
Pour bien finir cette semaine, je vous propose un nouvel extrait, déjà présent sur le forum Cocyclics. La semaine prochaine en revanche, vous aurez droit ici à un extrait entièrement inédit, et un peu plus long que d'habitude.

En attendant, pour cet extrait-ci, nous allons faire un bond dans l'histoire. 

Contexte :

    La querelle entre les deux hommes sanguins que sont Séb et Jeff n'a pas duré. Après tout, Séb aussi a voulu casser la gueule à Jeff. Cora a joué les infirmières et brillamment calmé l'ambiance entre les deux métalleux. Séb s'est senti très mal quand il a pris conscience de la débauche de violence qui l'a submergé.
Mais Cora a eu une nouvelle frayeur. Elle craint d'avoir raison et de voir Jeff perdre peu à peu la raison. Sans lui demander son accord, elle profite qu'il soit encore abasourdi pour décréter qu'elle s'installe chez lui, jusqu'à ce qu'il aille mieux. Néanmoins, Cora travaille, ce qui laisse Jeff libre de ses journées.
Dès le lendemain, il propose à Béa d'aller faire une promenade. Elle veut justement faire le tour des nombreux magasins du vieux Lille et propose à Jeff de l'accompagner. Ils se retrouvent aux galeries Lafayette, en plein coeur de la rue de Béthune et commencent leur promenade par l'achat d'une glace. Mais en arrivant près de la rue des Tanneurs, 4 adolescentes attirent l'attention de Béa. L'une d'elles, une fille brune qui pleure à chaudes larmes, est une amie de sa fille. Jeff reconnait la gamine de sa vision, celle qui voit toute la scène depuis la devanture du Cambridge. Béa s'avance vers les adolescentes, qui leur expliquent le problème.
L'adolescente qui hante les visions de Jeff s'appelle Aurélie. Elle est accompagnée de sa grande soeur, Sophie (ce sont elles que Cora a vu et entendu parler en venant chez Jeff). Béa et Jeff croient sans peine le récit de l'accident que leur fait Aurélie et parviennent à la réconforter. Jeff raconte sa précédente vision, il reconnait dans les propos de la jeune file le voleur au blouson vert kaki. Il lui propose de l'emmener voir l'inspecteur Wolkowiak pour qu'elle puisse lui raconter ce qu'elle a vu, convaincu que le flic la croira. La peur au ventre, Aurélie accepte, mais demande expressément que seul Jeff, le chanteur du groupe Morningstar qu'elle connait et adore, l'accompagne.


Extrait :


Aurélie et Jeff partent ensemble de la maison de Béa, la petite est toujours aussi silencieuse. Son teint est à nouveau pâle, son regard sombre, mais elle remercie chaleureusement Béa pour son aide. Au milieu des passants, dans le brouha de la rue, Jeff n'ose pas lui parler. Elle est concentrée sur sa tâche. Tous les deux ont vu des horreurs. Tous les deux veulent s'en débarrasser, vider leur esprit de ces images qui ont violé leur regard, pénétré leur esprit et envahi leurs pensées.
Quand ils arrivent dans le silence feutré de la Civic, garée au parking souterrain, Aurélie prend enfin la parole.
— Je sortais avec Karl, lance-t-elle sans ambages, le regard baissé vers le tapis de sol de la voiture. On était ensemble depuis les vacances de pâques, mais on se cachait. Il devait passer en seconde. C'est la honte pour un mec qui passe en seconde de sortir avec une gamine de quatrième, mais il en avait rien à foutre. C'est moi qui ne voulait pas qu'il se tape la honte. On devait se retrouver, passer la journée ensemble, et l'après-midi on serait allé chez lui, on aurait été tous seuls.
Jeff la regarde, abasourdi par sa façon franche et directe d'avouer son amour secret au parfait inconnu qu'il est. Soudain, elle prend une profonde inspiration et lève son regard vers Jeff. Il n'a jamais vu un tel regard, droit et franc, plein de force et de détresse en même temps. Mais il y a quelque chose de plus, une lueur puissante qu'il ne parvient pas à comprendre.
— Il voulait vous voir en concert, il avait acheté sa place pour le Zénith, reprend Aurélie. Il été dégoûté que vous ayez arrêté Morningstar, il m'en parlait tous les jours, vous savez.
— Je suis désolé, entame Jeff.
— Il faut que je sache Monsieur Van Dam, reprend la petite. Est-ce que c'est vraiment une histoire de drogue ? Ou est-ce que vous en aviez juste assez de jouer avec les autres ?
Jeff est à nouveau décontenancé par la question d'Aurélie. Où diable a-t-elle entendu qu'il en avait assez de son groupe ? Les forums de fans se feraient-ils l'écho de cette nouvelle rumeur ?
— Dites-moi la vérité, d'accord ? Moi je vous ai dit pour Karl, y'a que vous qui savez, maintenant.
— OK, reprend Séb en soutenant le regard de la jeune fille. Je vais te dire tout ce qui s'est passé, exactement comme ça s'est passé.
Moteur éteint, il prend plusieurs minutes pour expliquer les problèmes de Max. Il lui raconte comment il a connu le bassiste, lui offrant même le récit de leur toute première répétition. Aurélie se déride et rit un peu. Puis, il raconte en détail le moment où il a surpris Max en train de piquer, dans les coulisses du Wacken. La lueur dans les yeux de la jeune fille s'estompe, s'adoucit, et Jeff comprend qu'il s'agissait d'une étrange forme de colère.
— Voilà, tu sais tout, conclut Jeff. J'aurais aimé qu'on continue à jouer ensemble, mais je ne pouvais plus leur faire confiance.
Aurélie le regarde. Le silence qu'elle laisse s'installer est lourd de secret, Jeff le ressent. L'adolescente a encore quelque chose à lui dire, mais elle semble chercher ses mots.
— Il va falloir qu'on y aille, sinon on va être en retard, relance Jeff pour l'inciter à parler.
— Attendez, coupe-t-elle en posant sa main fine sur son avant-bras.
— D'accord, j'attends, répond Jeff en souriant.
La petite sourit, puis rentre la tête dans ses épaules. Son regard quitte Jeff pour se plonger sur le bas de la console centrale de la Civic.
— Je ne pourrai pas aller à son enterrement, reprend-elle enfin. Je ne suis même pas sensé le connaître. Mais il aurait voulu qu'on joue "Passent les anges", et… Enfin ce serait…
— J'irai à son enterrement, et je la jouerai pour lui. Et pour toi aussi.

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05/08/2014 :
Après une courte période de pause, me revoici avec de nouvelles scènes, une histoire qui avance bien, et bien sûr de nouveaux extraits !
J'ai repris l'écriture hier matin. 4000 mots de plus en 2 jours, et le fichier d'essence d'asphalte pèse maintenant ses 2080000 SEC bien tassés. Je suis à un peu plus de la moitié du roman, si tout va bien le premier jet sera achevé à la fin de ce mois. Je parviens assez facilement à faire coïncider les différents éléments de l'histoire, à lier le passé de Jeff à son présent, sa carrière de rocker a ses étranges visions et leurs conséquences. Je me réserve le droit de changer d'avis quand je me relirai à froid, bien entendu !

Dans l'immédiat, je vous propose un nouvel extrait.

Contexte :

Les nouvelles visions de Jeff le perturbent plus que les précédentes (cf extrait du 19/07). Son humeur et sa fatigue s'en ressentent. Alors qu'il tente de chasser ces images, l'inspecteur Wolkowiak l'appelle, suivi par Cora. Lors de sa discussion avec la jeune avocate, il évite soigneusement d'évoquer ce qu'il a vu la veille, mais son ton de voix attise sa curiosité. Il se retrouve finalement seul chez lui, guitare en main, pour essayer de se détendre.


Extrait :



     Jeff jette sa guitare acoustique sur le canapé du living quand on sonne à la porte. Il n'attend personne et ne veut voir personne. Peu de gens connaissent le code de son portail, et il se demande qui pourrait venir le déranger. Impossible que ce soit Cora, ils se sont parlé à l'instant.

     Tendu, Jeff ouvre la porte. Le visage de Séb apparaît et le surprend. Il n'a pas le même regard agressif que la dernière fois, mais ça ne change rien. En un éclair, toute sa colère remonte. Le tueur au blouson vert. Les articles incendiaires sur lui dans la presse. L'angoisse de Cora. Les trop nombreuses questions qui percutent les parois de son crâne.

     Maintenant, il veut des choses simples et efficaces.

     Avant que Séb ait pu prononcer un mot, le poing de Jeff vient s'écraser sur sa joue, juste sous son œil droit. Déséquilibré par ce coup qu'il n'a pas prévu, il tombe sur les marches de bois de l'escalier. Furieux, Jeff le regarde se relever maladroitement, tenant sa main gauche devant lui.

     — Mais t'es dingue ?!

     Pour toute réponse, Jeff lui envoie un nouveau coup de poing. Séb parvient de justesse à se protéger avec son avant-bras. Ça ne suffit pas. La colère sourde qui monte en lui veut que ses coups fassent mal. Son pied gauche frappe dans le ventre du guitariste rythmique, lui arrachant un cri étouffé. Il l'attrape par les cheveux et l'envoie s'affaler par terre, sur les graviers.

     — Bordel mais arrête Jeff ! crie Séb dont les yeux expriment la peur.

     — Pourquoi je m'arrêterais ?

     — Je suis venu m'excuser, répond-il d'une voix plus basse.

     — Ah, super ! éclate Jeff en levant les bras. T'excuser pour quoi, pauvre connard ? Parce que t'es venu me cogner et me menacer, ou parce que tu m'as craché à la gueule dans toute la presse ?

     Séb tente de se relever. Un de ses coudes est écorché jusqu'au sang par la chute qu'il vient de faire.

     — Reste par terre ou je remets ça ! ordonne Jeff d'une voix saturée et sauvage.

     — Écoute…

     — Sûrement pas ! le coupe Jeff et serrant les poings devant lui, prêt à frapper à nouveau. T'as eu tout le temps qu'il te fallait pour t'exprimer, et j'ai lu quelques résumés. T'as rien à foutre ici espèce de mange-merde ! lui hurle-t-il.

     Séb lève vers lui un regard terrifié. Il n'ose ni se lever ni ouvrir la bouche. Sa main se pose au sol, il recule en frottant ses jambes sur les graviers. Il ressemble à la proie blessée d'un prédateur. Quand Jeff le regarde, c'est un visage froid et fermé qu'il voit, celui qu'il avait le jour où il est venu le menacer. Une voix intérieure lui ordonne de se calmer, mais il n'a pas envie de l'écouter. Ses sentiments se mélangent, sa frustration devant ce nouvel accident, sa rancune contre son ancien ami. Il a envie de lui éclater le front contre les briques de sa maison.

     Il fait un pas en avant et écrase la main de Séb sous son talon. Il hurle sans même se défendre.

     — Jeff ! Mais qu'est-ce que tu fais ! lui hurle une voix féminine qu'il connaît bien.

     Il lève les yeux et voit Cora qui accoure vers lui. Son regard est animé de la même peur que Séb.

     En un éclair sa colère s'évapore. Il lève son pied, libérant la main de son ancien ami. Il réalise alors qu'il ne porte pas de blouson vert caca d'oie. Cora s'accroupit devant le guitariste, et Jeff réalise qu'il aurait pu le massacrer si elle n'était pas intervenue.


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19/07/2014 :
Je vous invite à découvrir un nouvel extrait totalement inédit.

Contexte :

Après une soirée passée à redécouvrir Béa, Jeff repart et de nouvelles visions l'assaillent, plus violentes que jamais. Il prend son courage à deux mains et décide de retourner sur place, pour les voir jusqu'au bout et pouvoir les analyser.

Extrait :



     La lumière du soleil est renvoyée par les fenêtres de l'immeuble Manpower. Il n'est pas aveuglé, sans doute un pare-soleil protège-t-il ses yeux. Il est immobile, son regard balaye la route, puis se tourne sur la gauche quand il entend un cri. Des silhouettes remuent. L'adolescent est tiré en avant, mais résiste en se penchant. C'est lui qui vient de crier. Le voleur tient quelque chose qui lui appartient par la sangle, mais Jeff ne parvient pas à identifier l'objet.
     L'homme au blouson caca d'oie tire à nouveau, d'un geste puissant. Il est bien campé sur ses pieds, l'adolescent est fluet, il n'a aucune chance. Le gamin est happé vers l'avant, déséquilibré. Le voleur lui envoie un coup de genou très sec au menton. Sa tête part vers le haut et forme un angle improbable avec son dos qui s'affaisse. Il s'écroule par terre, sans doute groggy, tandis que le voleur s'empare de l'objet qu'il convoitait. Cette fois, Jeff voit une pochette en matière plastique luisante et colorée. Le voleur regarde l'objet, puis se tourne vers son compère qui regarde le trottoir. Le voleur doit l'appeler car il tourne la tête d'un geste nerveux. Sans prévenir, il lui envoie l'objet, le complice manque de le laisser tomber, mais le rattrape grâce à la sangle.
     Quelque chose le secoue, sa vision bouge. Lentement, il avance, sans quitte la scène des yeux. L'homme au blouson se retourne vers sa victime, toujours allongée au sol. Il l'empoigne par le haut de son T-shirt, le gamin semble lever un bras en avant, comme pour demander grâce. Le voleur attrape la ceinture en tissu gris qui tient sont pantalon et le lève du sol. Le gamin n'esquisse pas même un geste de résistance. Il fait faire un demi-tour au gamin et le propulse sur la route. L'adolescent s'effondre à plat ventre au moment où Jeff dépasse sa position. La voiture grise pile dans un crissement de pneus strident. Sur le trottoir, les deux vieux sont effrayés, la vieille femme agrippe le bras du vieil homme qui porte une casquette. À quelques pas d'eux, il voit le bras de l'homme au blouson, il les pointe du doigt. Le vieux entrouvre la bouche et fait un bref hochement de tête. Le défilement des images accélère, puis s'arrête net sur une fille aux cheveux bruns. Une pince dorée étincelle sur le haut de son crâne. Elle est figée devant la façade du Cambridge. Ses yeux sont exorbités, sa bouché béante et ses bras ballants. Elle se tient debout, les genoux serrés. Son regard ne quitte pas la scène. Soudain, sa gorge s'anime et sa bouche s'ouvre plus grand. Elle hurle, mais le son ne parvient pas jusqu'aux oreilles de Jeff. Son pied gauche tape le sol plusieurs fois avant qu'elle se précipite vers le lieu du crime. Les deux vieux sont encore là, la femme parle à l'homme en le secouant. La fille s'agenouille sur le bitume devant les roues arrière de la voiture. Jeff ne voit pas le corps de la victime. La gamine pleure à chaudes larmes et continue de hurler. Son visage terrorisé est la dernière image qu'il voit.
     L'instant d'après, le martèlement des grêles sur la carrosserie de la Civic reprend. Il ne voit que des trombes d'eau et de cristaux blancs qui tombent devant lui. Ses essuie-glaces vont et viennent à toute vitesse, mais les impacts des gouttes sur son pare-brise sont trop nombreux. Une lumière vive déchire l'épais rideau noir du ciel. Le mugissement du tonnerre résonne juste après et se prolonge dans un craquement sinistre. Un battement sourd et régulier provient de l'intérieur de son corps. Jeff comprend que c'est son cœur qui s'emballe.

     Quand il reprend enfin ses esprits, au moment où la pluie se calme, il est plus perdu que jamais. Toute cette scène atroce a défilé devant lui, dans les moindres détails. Mais sa question reste sans réponse.

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16/07/2014 :  
30.266 mots au compteur ! Le week-end du 14 juillet a été plutôt prolifique et m'a permis de bien avancer. J'avais un gros enchaînement de scènes à écrire entre la 2ème et la 3ème partie. 
Je suis entré dans le noyau dur de l'histoire, à l'endroit où les différents personnages se croisent, où leurs histoires se chevauchent et où Jeff plonge dans le coeur du mystère qui entoure ses visions.
Je vais vous diffuser plusieurs extraits cette semaine. Deux d'entre eux sont également disponibles sur la Mare, le troisième sera totalement inédit, et donc exclusif au blog ;)

Contexte :
Cora rappelle Jeff après que ses émotions fortes se soient dissipées. Elle lui présente ses excuses, que Jeff accepte sans aucun problème. Le soir, elle se retrouve chez lui, et tous deux discutent tranquillement sur la terrasse de Jeff. Il revient d'abord sur sa déposition auprès de l'inspecteur Wolkowiak, et assure que depuis, il se sent nettement mieux.


Extrait :

— Et maintenant tu n’as plus de vision ?
— L’accident, tu veux dire ?
— Oui, quoi d’autre ?
— L’accident c’est bon, depuis ce soir-là j’en suis quitte. Répond Jeff en regardant son verre de whisky-coca.
— Tu en as eu d’autres ?
Jeff regarde Cora dans les yeux. Son expression change, il se pince les lèvres.
— Oui, mais rien de grave.
— Comment ça rien de grave ? réagit-elle aussitôt en fronçant les sourcils.
— Ce n’est pas un accident, ni un drame, cette fois. Donc, rien de grave, essaye-t-il de conclure en souriant.
Elle se penche en avant, le regarda droit dans les yeux. Il soutient son regard sans un mot. Son visage se fige sur un demi-sourire. Il se penche en avant à son tour, imitant sa position.
— Ça ne marchera pas, lui répond-elle avec un sourire plein d’assurance.
— Quoi donc ?
— Ton petit numéro, celui que tu me sors quand tu ne veux pas parler. Je te le dis : ça ne marchera pas.
— Il n’y a rien à dire, Cora. Oui j’ai eu une autre vision, mais il n’y avait rien d’inquiétant.
— Tu ne comprends pas, ou tu le fais exprès ? Ce qui m’inquiète, enchaîne-t-elle sans lui laisser le temps de répondre, ce n’est pas ce que tu vois. C’est le fait que tu vois des trucs qui n’existent pas !
— Non, ce n’est pas ça, coupe-t-il. Ce que je vois, c’est des choses qui ont eu lieu mais qui sont terminées. Enfin, d’après ce que j’ai compris.
Son calme est déconcertant, il parle de ce phénomène surnaturel comme sa grand-mère parlait des napperons qu’elle fabriquait avec ses crochets. Elle soupire bruyamment, incapable de contenir son agacement.
— Et c’est normal, selon toi ? Voir des accidents qui ont eu lieu plusieurs jours auparavant ? Tellement bien que t’arrives à identifier des gens que personne d’autre n’a vu ? Ne plus penser qu’à ça pendant des jours jusqu’à faire un faux-témoignage ? Là-dessus, il n’y a rien à dire ?
Jeff se redresse et boit une gorgée de whisky-coca sans la quitter des yeux. En d’autres temps, il se serait mis à parler plus fort, son regard se serait assombri. Elle est prête à affronter ça, mais pas son calme. Pas son sourire en coin, presque narquois, qui se veut apaisant.
— J’ai dit aux flics ce que j’avais vu. Ce n’est pas un faux témoignage, disons que je l’ai mis en scène pour le rendre crédible. Maintenant, est-ce que ces visions sont normales ? Non. Est-ce que ça m’était arrivé avant ? Non. Est-ce que je trouve qu’il y a matière à en discuter avec toi ? Non parce que toi, ça t’angoisse. Parce que tu fais des cheveux pour moi, et j’ai pas envie de ça. Je vais bien. Je me suis reposé. Et puis honnêtement, ces visions, je commence à m’y habituer. Quand il n’y a rien d’horrible à voir, c’est plutôt sympa.
À son tour, Cora s’étire en arrière. Elle cherche à se détendre, elle comprend qu’elle n’aura pas le dessus en s’énervant. Si ce n’est pas grave pour lui, ça ne doit pas l’être pour elle. Elle change de ton, s’excuse de s’inquiéter pour lui. Enfin, elle arrive à lui exprimer ce qu’elle a ressenti à son retour. Jeff comprend et sourit. Le soleil se couche, et tous deux rentrent à l’intérieur, dans le grand canapé en L, moelleux à souhait. Il devient plus prévenant avec elle, s’assure qu’elle n’a pas froid. Un sourire tendre naît sur son visage. Jeff reparle des visions de lui-même. Comme elle le pensait, il a envie d’en parler. Il en a peut-être besoin.
— Allez, Jeff. Dis-moi ce que tu as vu, demande-t-elle en douceur. Je ne m’inquiéterai pas.
— Il se pourrait que ça ne te plaise pas, même si ça ne t’inquiète pas, entame-t-il. Tu es sure de vouloir l’entendre ?
Elle ne dit rien mais approuve d’un signe de tête. Son regard ne quitte pas son visage, elle scrute ses traits. Juste au cas où il ne dirait pas tout du premier coup, comme il le fait souvent.
— C’est à propos de Béa, lâche-t-il après un court silence.
Cora se fige, elle sent que ses yeux s’écarquillent. Béa, l’esprit frappeur qui hante la vie de Jeff. Elle a eu raison de changer d’attitude pour l’inciter à parler.

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07/07/2014 :  
Plus de 17.000 mots au compteur, même si je n'ai pas écrit ce week-end. Il faut se ménager des plages de repos pour pouvoir conduire le récit à bon port. 
J'ai entamé la rédaction de la deuxième partie de l'histoire, Jeff plonge un peu plus dans les visions. 
En attendant d'en savoir davantage, voici un nouvel extrait, totalement inédit (contrairement aux autres que mes amis batraciens peuvent retrouver sur la Mare).

  Contexte :
Les réactions se multiplient suite à la fin du groupe Morningstar. Dans un état second, absorbé par les visions, Jeff a donné une interview à l'entreprenante et redoutable Jenny de MétalMag. 
Le lendemain, il la redécouvre sur internet.

Extrait :
 
Son petit déjeuner avalé, il se connecte sur le site de Métalmag. La vidéo que Jenny a réalisée est déjà en ligne depuis l’aurore. Sur youTube, il est surpris de voir que plus de dix mille personnes ont déjà visionné son interview. Elle n’était ni planifiée, ni attendue. La fin de Morningstar fait plus de bruit qu’il ne l’aurait cru.
     L’image est figée sur son visage aux traits tirés. Le mur gris anthracite de sa salle et l’éclairage font ressortir ses cernes profonds, et l’ecchymose jaunie qu’il garde sous son œil droit. Il se souvient à peine de ce qu’ils se sont dits, et clique sur l’icône en forme de triangle.
     Jenny commence par lui demander comme s’est passé son retour en France, comment il se sent. Tandis qu’il répond, elle zoome sur son visage. Oui, il était épuisé, mais pas à cause de Morningstar. Jenny sait tirer profit de tout.
     Elle enchaîne sur l’incident qui a tout déclenché. Jeff répète d’une voix grave qu’il n’a pas frappé Max ni Tom. Bien sûr, elle l’interpelle sur le bleu sous son œil, et il s’entend raconter la visite inopinée et musclée de Séb. Il parle même de son ultimatum.
     La plus grande partie de la vidéo est consacrée aux trois dernières années. Jenny connait cette histoire par cœur pour l’avoir couverte. La voix de Jeff reste calme, ses propos mesurés. Mais quand il aborde la deuxième faute de Max, le ton de sa voix se durcit. Il revient largement sur le rythme effréné imposé par le bassiste pour l’aider à tenir le coup.
     Enfin, Jenny l’interroge sur l’avenir de Jeff Vandam et de Morningstar.
     — Il n’y a plus de Morningstar, répond-il d’un ton glacial. Je garde la propriété des chansons que j’ai écrites, j’en ferai autre chose.
     — Vous leur en voulez tant que ça ? demande Jenny d’une voix qui trahit son excitation.
     — Ce n’est pas la question. Pendant plus de quinze ans, on a tout misé sur la confiance. Séb et Max ont préféré me cacher un problème grave, je ne peux plus me fier à eux.
     — Et Tom ?
     — C’est autre chose. Tom a toujours cherché à apaiser les tensions. D’une certaine manière, c’est aussi ce qu’il a essayé de faire au Wacken. C’est juste qu’il l’a fait d’une manière trop désinvolte, ça m’a encore plus agacé. Et puis il n’était dans le groupe que depuis six ans, je n’ai pas la même relation avec lui qu’avec les deux autres. Séb, Max et moi, on était amis avant tout.
            Un long silence s’impose, Jenny zoome sur le regard glacial que Jeff adresse à l’œil de la caméra. Elle achève l’interview en l’assurant du soutien des fans, et en lui souhaitant bonne chance pour ses futurs projets.


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01/07/2014 : 
Le fichier d'Essence d'asphalte dépasse les 10.000 mots (près de 60.000 signes).
Je me suis interrompu hier pour travailler sur une nouvelle. J'ai repris la rédaction ce matin.
Je ne l'ai pas précisé, mais ce roman s'articule autour de six parties. La première sera bientôt terminée. J'ai planifié les prochains chapitres jusqu'au début de la deuxième partie, ce qui me permet d'avancer en roue libre. 

Et maintenant, je vous propose un deuxième extrait :

Contexte :
Entre son groupe qui explose, ses anciens partenaires qui l'accusent de tous les maux par voie de presse et de réseaux sociaux, et cette vision atroce, Jeff se sent perdu. Il appelle Cora, sa meilleure amie et lui explique ses problèmes. Elle accepte de l'accompagner au coeur de la nuit pour revenir sur les lieux où il a vu cet accident.
Ils passent une première fois en voiture sur la tache qui macule le bitume, mais la vision de Jeff est interrompue. Déterminé à comprendre, il recule et s'immobilise sur l'endroit précis qu'il a photographié.

Extrait :
 
Jeff est à nouveau en plein jour. La lumière du soleil se reflète dans les fenêtres des appartements, illumine la chaussée. Cette fois, il surplombe la file de véhicules. Au centre de son champ de vision, il distingue un véhicule utilitaire blanc, peint aux couleurs de la SARL Nordbat'. Son regard suit la camionnette quelques secondes, puis file vers le trottoir. Devant le grillage de l'école, il voit la femme blonde qui marche d'un pas rapide. Elle est grande et porte des talons qui claquent contre le sol. Deux hommes la croisent, l'un d'eux à la moitié du visage dissimulé dans un foulard noir et blanc. Il agrippe le sac de la femme, mais elle ne le lâche pas. Le second intervient, la tire par les cheveux et fait deux pas sur le côté. D'un geste violent, il la projette sur le côté. Elle lâche son sac et se retrouve au milieu de la route.
— Jeff.
La camionette Nordbat' n'a pas le temps de s'arrêter mais le chauffeur pile. Le front de la blonde percute le capot. Des gouttes de sang décollent sous l'impact, tandis que la victime est projetée au sol. Sur le trottoir, le voleur cache son butin sous un blouson léger. Les badauds accourent, le chauffeur de la camionnette descend de son véhicule.
— Jeff !! Jeeeefff !!!
Plusieurs personnes entourent bientôt le corps de la femme blonde étendue sur l'asphalte. La tache de sang s'étend largement autour de sa tête quand un homme s'accroupit à côté d'elle et semble l'examiner. Ses yeux sont clos, il porte les doigts à son cou, comme pour vérifier son pouls. Les deux voleurs disparaissent dans la foule.

À bientôt pour la suite ;)

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25/06/2014 :  
J'ai entamé la rédaction Dimanche. J'en suis à peu près à 34.000 signes. 
Je dois avouer que j'ai eu quelques difficultés à commencer, sans doute parce que j'avais trop pris l'habitude d'écrire des nouvelles. Les deux premiers chapitres vont donc être refaits très bientôt.
Depuis hier, j'avance à bon rythme, j'arrive à planifier mes scènes assez facilement, je commence à bien m'immerger dans l'univers de Jeff et ma progression s'en ressent. Je me suis d'ailleurs inscrit pour le NaNoWriMo de Juillet, avec pour objectif d'écrire 50.000 mots sur un mois. Ce ne sera pas facile, mais je pense que j'en suis capable.

Et pour bien démarrer cet article, je vous propose un premier extrait.

Contexte :
Alors que son groupe Morningstar devait monter sur la scène principale du Wacken festival (Allemagne), Jeff est parti chercher son bassiste et son batteur dans les coulisses. Il est tombé sur Max, le bassiste, en train de se shooter à l'héroïne devant le regard complice de Tom, le jeune batteur. Furieux, Jeff les a insultés, a claqué sa guitare et est parti à pied, traversant l'étendue de terre que représente le Wacken qui se déroule au milieu des champs. Sur son chemin, il a croisé une jeune fan alcoolisée à qui il a accordé un dernier autographe. A son retour chez lui, près de Lille, Jeff a toujours l'image de Max en train de se piquer en tête, il n'a pas décoléré. Il a décide d'aller faire un tour dans sa civic type R dans les rues assoupies de Lille, à plus de trois heures du matin.
Il s'est passé quelque chose ^^
On le retrouve quelques heures plus tard, quand il se réveille.

Extrait :
À son réveil, il est déjà plus de quatorze heures. Dans les ténèbres silencieuses de sa chambre, Jeff se redresse. Sa tête est pesante, ses muscles semblent éteints, et ses paupières refusent de s'ouvrir complètement. Dès qu'il presse l'interrupteur de la lampe de chevet, la lumière, pourtant tamisée, lui fait mal aux yeux. D'un geste dédaigneux, il oriente le faisceau lumineux vers le fond de la chambre et son grand placard intégré. Un soupir s'échappe de sa bouche, Jeff prend sa tête à deux mains.
L'image de la tête blonde ensanglantée lui revient immédiatement à l'esprit, comme un instantané que son cerveau aurait mémorisé. N'était-ce qu'un rêve ?
Sans énergie, il cale son oreiller contre ses lombaires et s'assoit. Derrière lui, le cuir de la tête de lit constitue un appui frais et moelleux. Jeff replie ses jambes et pose ses bras sur ses genoux, gardant sa tête contre ses paumes. Les palpitations de son crâne et cet arrière-goût désagréable qu'il garde en bouche l'incitent à penser qu'il aurait bu.
Il tente de se souvenir. Max se pique. Greta et son autographe au marqueur sur la cuisse. Son visage dans le miroir de l'hôtel alors qu'il se coupe les cheveux. Sa tête contre la vitre en plexiglas du train. Son studio. Il s'y voit alternativement jouer, puis s'avachir dans le canapé, une bouteille de Ballantine's à la main. La tête ensanglantée. Fin du diaporama.
Il écarquille ses yeux, mais les paupières refusent de rester ouvertes. D'un pas gauche, il se lève et quitte sa chambre fraîche pour se rendre dans son studio. Dès qu'il y entre, le grésillement ambiant l'informe qu'il n'a pas éteint son ampli. Surpris, il se dirige vers le massif quadruple corps et s'aperçoit que la bouteille de Ballantine's est là. À moitié vide. L'opercule en aluminium traîne juste à côté. Il a vidé une demi-bouteille de whisky d'une traite. L'odeur de l'alcool lui remonte le cœur, mais ne lui explique rien.
Son Ibanez est posée sur le vieux canapé en cuir noir. Comme quand il jouait jusqu'à pas d'heure chez son père. Juste à côté, brillant à la lumière des spots, il reconnaît la pomme argentée qui orne le dos de son mobile.
Une photo. Il a pris une photo.
Il saisit l'appareil et cherche les clichés. Ils sont rangés par date. Quatre vignettes s'affichent à la date du jour, et il ouvre la première. Une portion de bitume, rendue trop claire par le flash de l'Iphone constitue la première. La seconde offre la même vue sous des lumières orangées. Il y distingue une tâche plus sombre, semblable à une éclaboussure.
La tête blonde s'écrase contre le sol. Des gouttes rouges maculent son pare-brise.
À bientôt pour la suite ;)