dimanche 12 octobre 2014

Bien écrire ne suffit pas.

C'est hélas une vérité avec laquelle les auteurs, surtout les amateurs peu connus, doivent composer.

J'ai récemment jeté un œil rapide à la liste des best-sellers actuels dans notre cher pays. 
Rien ne me surprit moins que d'y trouver "merci pour ce moment" de V. Trierweiler qui a défrayé la chronique. Je n'irai pas gaspiller mon argent à en faire l'acquisition, d'autant que le thème abordé par l'auteur ne suscite guère mon intérêt, mais j'ai pu en lire quelques extraits dans les inrock et autres publications.

Je n'irai pas jusqu'à dire que c'est bien écrit. C'est du français, grammaticalement et orthographiquement correct, mais c'est à peu près tout.

Ce qui n'empêche que l'ex première Dame a signé un premier tirage à 200.000 exemplaire (équivalent à ce que signerait Amélie Nothomb) et a déjà vendu je ne sais combien des milliers de son livre.



N'en déduisez toutefois pas que bien écrire est un obstacle au succès ! Déduisez-en plutôt que le succès d'un livre en librairie tient à plusieurs paramètres, mais essentiellement à son thème. 
C'est même cette notion de thème qui vous permettra, si vous êtes un illustre inconnu, de pousser la porte des maisons d'édition.

Même avec un style digne d'Alain Damasio, si vous racontez une histoire qui n'est pas susceptible de captiver les foules, vous obtiendrez un refus. Sans doute poli et argumenté, peut-être même élogieux quant à vos capacités à manier la langue de Molière, mais un refus quand même.

Or, nous autres auteurs aimons disserter de ce qui nous plait, sans tenir compte à aucun moment de ce genre de considération bassement matérielles et "marketing", comme ils disent. Vous savez, ces gens qui savent ce qui se vend ou ne se vend pas, qui font la pluie et le beau temps des rayonnages de la FNAC. 
Eux, ils savent.


Nous, soit on ne sait pas, soit on s'en contrefiche. Mais pour être honnête, la plupart du temps, on ne sait pas. 
Donc, si vous écrivez avec le même talent que Damasio, mais que vous racontez la rencontre inopinée d'une chaussette trouée et d'une parie de mitaines lors d'un matin d'hiver enneigé, il est assez peu probable qu'un éditeur vous déclare sa flamme. En revanche, si vous avez la chance d'être une ex première dame de France et d'avoir envie de régler vos comptes avec votre président d'ex compagnon, vous pouvez bien ne connaitre qu'une centaine de mots de la langue française, les éditeurs seront prêts à se tirer dessus pour vous faire signer un Bon À Tirer. (Je précise que V. Trierweiler semble connaître plus qu'une centaine de mots de notre langue, ceci n'est pas une attaque contre elle.)

Comment fait-on quand on écrit un roman pour s'assurer de sa qualité ? Dans un monde parfait, on l'envoie à des gens férus de lettre, des dévoreurs de romans, peut-être même des auteurs. Ils vont vous dire tout ce qu'il y à a dire sur votre style, vos arcs narratifs, la profondeur de vos personnages, la puissance de vos dialogues, la taille de vos chapitres, la fluidité de votre synopsis. Ils vont vous aider de manière considérable à parfaire votre roman.
Mais il est très peu probable qu'un d'eux vous dise, d'un ton gêné : "tu sais, ton histoire de chaussette et de mitaine, je ne sais pas bien qui aura envie d'acheter ça."
Probablement parce qu'ils ne pensent pas à cette dimension là. Peut-être même parce que votre chaussette trouée est si émouvante quand elle raconte sa vie aux pieds de ce vieil homme que ça leur a arraché une petite larme. 
N'empêche que l'éditeur, lui, aura un autre regard. Votre style lui importera moins que la possibilité de vendre votre roman. Il ne se verra probablement pas pondre un 4 de couv' disant "Le matin de la mort de Fernand, Ginette la chaussette et Germaine la mitaine, qui se sont tant et tant de fois côtoyées, peuvent enfin se parler. Débute alors une prodigieuse histoire d'amitié au coeur d'un hiver enneigé, tandis que les deux vieilles dames, déjà usées par le temps et les années, sont emmenées sans ménagement chez Emmaüs. Survivront-elles à cette nouvelle condition ?"



Ce qui est dommage, c'est que personne d'autre ne vous le dira. Vous le découvrirez à force de refus, polis et parfois même argumentés. Mais au bout du trentième, vous en viendrez quand même à considérer que ces éditeurs sont des gens bizarres, puisqu'ils encensent votre plume mais ne veulent pas de votre livre !

Je précise ici que je n'ai jamais été investi dans la bêta-lecture d'un roman que j'estime génial mais invendable. Mais il se pourrait que ça vous soit arrivé, à vous. Ou que cela vous arrive un jour.
Si c'est le cas, soyez gentils : expliquez à votre ami(e) auteur(e) que vous ne percevez pas tout à fait le potentiel commercial de son œuvre. Il ou elle en fera ce qu'il ou elle voudra, mais au moins, vous lui aurez peut-être évité une cruelle désillusion :)
En tout cas, c'est un service que j'aimerais qu'on me rende !


2 commentaires:

  1. Ah, c'est toujours important ça, quand on bêta-lit : définir de façon claire les intentions de l'auteur ! De mon point de vue, savoir s'il veut éditer le roman sur lequel on l'aide doit entrer en ligne de compte si on veut l'accompagner jusqu'au bout.
    En tout cas, j'applique cela de mon côté autant que possible. Quand je demande à un auteur de préciser ce qu'il veut faire de son texte, ce n'est pas innocent. De plus, ça me permet au passage de bien lui montrer les écarts entre ses intentions et ce qu'il a réellement écrit, ce qui l'aidera à redresser la barre... ou choisir une autre direction, selon le chemin de ses réflexions. Je ne me vois pas travailler autrement.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est une bonne méthode, Roanne ! Je n'avais pas pensé à demander à l'auteur ses intentions, mais je pense que je vais le faire ;)

      Supprimer